Plus de 100 millions d’électeurs sont appelés aux urnes ce mercredi 25 juillet pour renouveler le Parlement pakistanais. Après 2008 et 2013, ces élections législatives auraient dû permettre de consolider le système politique du Pakistan. Mais, dix ans après la fin de la dictature, au terme d’une campagne délétère, le spectre de l’armée refait surface et menace la jeune démocratie pakistanaise. Lever de rideau avec Amélie Blom, chargée de cours à l’Inalco et à Sciences Po Paris.
Ces élections vont marquer un tournant dans l’histoire politique du Pakistan. Elles vont clore la transition démocratique enclenchée à partir de la fin de l’année 2007. C’est aussi la fin du système bipartisan. On a jusque-là toujours eu deux partis politiques qui se partageaient le pouvoir : le Parti du peuple pakistanais (PPP) et la Ligue musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif, l’ancien Premier ministre. On a maintenant un troisième entrant, un nouveau venu, mouvement d’Imran Khan, qui est donné favori.
Parce que ces élections ont lieu dans un climat politique très dur, un regain d’autoritarisme, avec un tir croisé contre les partis de gouvernement, PPP et PML-N. Il est notamment venu de l’appareil judiciaire, avec une pression très forte sur la formation de Nawaz Sharif, qui a été démis de ses fonctions l’année dernière, et qui est désormais emprisonné. Le Parti du peuple pakistanais a, lui, pratiquement été interdit de faire campagne au Penjab, la province la plus peuplée du pays. Il y a également eu d’intenses pressions contre la société civile et les journalistes, et des manœuvres pour favoriser l’émergence d’un maximum de candidats indépendants ou issus des mouvements islamistes les plus durs.
On peut parler d’une véritable entreprise visant à organiser la refonte du système politique tel qu’il existe depuis les années 1970. On va voir émerger un Pakistan qui sera certes une démocratie au sens procédural. Mais, en pratique, un régime autoritaire avec la mise en avant d’un leader populiste, Imran Khan, porté par des forces non-élues, l’armée, la haute fonction publique, l’institution judiciaire, dotées de pouvoirs déterminants sur la politique intérieure et régionale.
Il avait promis un « nouveau Pakistan », or, il a fait entrer au sein de sa formation tous les politiciens les plus corrompus qui ont senti le vent tourner, des transfuges du PPP et du PML-N. Incarne-t-il un changement aujourd’hui ? Sera-t-il aussi contrôlable que peuvent l’espérer les militaires ? C’est loin d’être évident.